Les comptes nationaux de la santé 2022 – Résumé

INTRODUCTION aux comptes nationaux de la santé​

Les Comptes Nationaux de la Santé (CNS) constituent un outil essentiel pour analyser les dépenses de santé et les flux financiers du système de santé marocain, permettant d’évaluer les mécanismes de financement et d’identifier les interventions les plus efficaces pour améliorer la santé de la population. En 2022, le Maroc a publié la 7ème édition des CNS, élaborée selon la méthodologie de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour garantir la cohérence et la comparabilité des données.

En 2022, les dépenses totales de santé (DTS) ont atteint 81,7 milliards de dirhams, enregistrant une hausse de 34,1 % par rapport à 2018, avec une augmentation annuelle moyenne de 7,6 % sur la période 2018-2022. La dépense courante de santé (DCS) s’élève à 76,6 milliards de dirhams, soit 93,7 % des DTS, tandis que les dépenses en capital (investissements) représentent 5,1 milliards de dirhams, soit 6,3 % des DTS, contre 3 % en 2018. Cette augmentation des investissements reflète les efforts pour moderniser l’offre de soins.

La dépense de santé par habitant a atteint 2 227 dirhams en 2022, contre 1 730 dirhams en 2018, soit une augmentation de 28,7 %, témoignant d’une amélioration du financement de la santé par les différents contributeurs. Les ménages restent le principal financeur avec 38 % des DTS (contre 45,6 % en 2018), suivis par l’assurance maladie (31 %) et l’État (30,3 %). Cette baisse de la contribution des ménages indique une progression vers une meilleure protection financière.

Les partenaires nationaux et internationaux ont contribué à hauteur de 0,2 %, jouant un rôle qualitatif plutôt que quantitatif. Les dépenses se concentrent principalement sur les soins hospitaliers (30,9 %), les médicaments et biens médicaux (26,7 %), et les soins ambulatoires (25,8 %), les analyses biologiques et radiologiques représentant 8,6 % de la DCS.

En résumé, les CNS 2022 montrent une amélioration notable du financement de la santé, avec une réduction des paiements directs des ménages et un renforcement des contributions de l’assurance maladie et de l’État.

Financement de la santé par les ménages

La protection financière des ménages est un pilier de la couverture sanitaire universelle (CSU), avec pour objectif de réduire leur contribution directe à moins de 25 % des DTS pour améliorer l’équité d’accès aux soins.

  • En 2022, les dépenses directes des ménages s’élèvent à environ 31 milliards de dirhams, soit 38 % des DTS, en baisse par rapport à 45,6 % en 2018. Cette réduction reflète les efforts pour renforcer le financement solidaire.
  • En incluant les cotisations à l’assurance maladie, la part des ménages atteint 52 % des DTS, continuant à diminuer depuis 2018.
  • Les dépenses se concentrent dans le secteur privé : les pharmacies et fournisseurs de biens médicaux absorbent 25,9 %, suivis des cabinets privés (16,6 %) et des cliniques privées (15,8 %). Les structures publiques ne captent que 6,8 %.
  • Par type de prestations, les médicaments et biens médicaux représentent 26,7 %, les soins hospitaliers 30,9 %, et les soins ambulatoires 25,8 %. La part des médicaments a augmenté depuis 2018, tandis que celle des soins hospitaliers a légèrement diminué.

Ces données soulignent la nécessité de poursuivre les efforts pour réduire la charge financière des ménages, notamment via une meilleure couverture par l’assurance maladie et une régulation du secteur privé.

Financement de la santé par l’assurance maladie

L’assurance maladie obligatoire (AMO) a été renforcée en 2022 avec l’intégration des bénéficiaires du RAMED et des travailleurs indépendants, dans le cadre de la généralisation de la protection sociale.

  • Environ 22 millions de bénéficiaires sont couverts en 2022, soit 60 % de la population, contre 40,6 % en 2018.
  • Les ressources proviennent principalement des cotisations salariales (43 %) et patronales (33,2 %), avec une contribution croissante des travailleurs indépendants.
  • Les dépenses de l’assurance maladie atteignent 25,3 milliards de dirhams, soit 31 % des DTS, contre 29,3 % en 2018.
  • Les soins hospitaliers dominent avec 30,9 %, suivis des médicaments et biens médicaux (26,7 %) et des analyses biologiques et radiologiques (8,6 %).
  • Dans le cadre du tiers payant, les cliniques privées reçoivent 70 % des paiements directs, contre seulement 7,3 % pour les hôpitaux publics.

L’AMO joue un rôle croissant dans le financement solidaire, mais des défis persistent, notamment la fragmentation des régimes et l’accès limité aux soins publics.

Financement de la santé par le ministère de la santé

Le ministère de la santé et de la protection sociale (MSPS) est un acteur clé, à la fois comme financeur et prestataire de soins.

  • En 2022, le budget du MSPS s’élève à 21,8 milliards de dirhams, en hausse de 47 % par rapport à 2018, reflétant un engagement accru de l’État.
  • Le budget de l’État finance 92 % des dépenses, suivi des paiements des ménages (5 %).
  • Les dépenses courantes (87 % du budget) se répartissent entre les hôpitaux publics (52 %) et les établissements de soins primaires (35 %).
  • Par type de prestations, les soins curatifs hospitaliers absorbent 49,9 %, suivis des soins ambulatoires (21,7 %) et des soins préventifs (16,7 %).
  • Les dépenses en capital atteignent 3 milliards de dirhams, principalement pour la construction (45,9 %) et l’équipement (31,2 %).
  • La répartition régionale montre une amélioration de l’équité, avec un indice de Gini passant de 8,7 % en 2018 à 7,8 % en 2022.

Le MSPS renforce l’offre de soins, mais des efforts sont nécessaires pour optimiser les ressources et améliorer l’accès, notamment en zones rurales.

Financement de la santé par les autres partenaires nationaux et par la coopération internationale

D’autres acteurs contribuent modestement mais significativement au financement de la santé.
  1. Collectivités territoriales (CT) :
    • Montant : 1,36 milliard de dirhams (soit 1,7 % des dépenses totales de santé – DTS).
    • Répartition principale :
      • 35 % pour l’acquisition de moyens de transport sanitaire (ambulances, unités mobiles).
      • 20 % pour le financement du RAMED (Régime d’Assistance Médicale), qui a été actif jusqu’à sa transition vers l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) le 1er décembre 2022.
  2. Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) :
    • Montant : 186,4 millions de dirhams.
    • Objectif : Renforcer l’offre de soins, notamment dans les zones communautaires, à travers l’achat de matériel médical et de transport.
  3. Fondation Lalla Salma :
    • Montant : 168 millions de dirhams.
    • Répartition principale :
      • 42,5 % pour l’achat de médicaments anticancéreux.
      • 31,4 % pour la construction et l’aménagement de centres d’oncologie.
  4. Délégation Générale à l’Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion (DGAPR) :
    • Montant : 151 millions de dirhams.
    • Répartition principale : 66 % pour les salaires du personnel médical en milieu carcéral.
  5. Fondation Mohammed V :
    • Montant : 83 millions de dirhams.
    • Répartition principale : 86,8 % pour la construction de centres médicaux.
  6. Coopération internationale :
    • Montant : 183,6 millions de dirhams.
    • Répartition principale :
      • 47 % pour la gestion des risques sanitaires.
      • 40 % pour le renforcement des programmes sanitaires.
Ces contributions, bien que limitées, soutiennent des domaines spécifiques comme la lutte contre le cancer ou la santé carcérale.

Tableau Comparatif CNS 2018 vs 2022

Indicateur20182022
Dépenses totales de santé (DTS)60,9 milliards Dhs81,7 milliards Dhs
Dépense de santé par habitant1 730 Dhs2 227 Dhs
– Ménages45,6 %38 %
– Assurance maladie29,3 %31 %
– État24 %30,3 %
– Autres sources1,1 %0,7 %
– Établissements publics de santé22 %26,8 %
– Pharmacies et fournisseurs de biens médicaux23,4 %25,9 %
– Cliniques privées18,9 %15,8 %
– Cabinets privés15,3 %16,6 %
– Laboratoires et centres de radiologie12 %8,6 %
– Autres prestataires8,3 %
– Soins hospitaliers30 %30,9 %
– Soins ambulatoires (curatifs et préventifs)28,7 %25,8 %
– Médicaments et biens médicaux23,4 %26,7 %
– Analyses et radiologie11,7 %8,6 %

Explications pour les changements au niveaux des comptes nationaux de santé entre 2018 et 2022

  1. Dépenses totales de santé (DTS) :
    • Les DTS ont augmenté de 34,1 % entre 2018 et 2022, passant de 60,9 milliards de dirhams à 81,7 milliards de dirhams. Cette hausse reflète une augmentation significative des investissements dans le secteur de la santé au Maroc.
  2. Dépense de santé par habitant :
    • La dépense par habitant a progressé de 28,7 %, passant de 1 730 Dhs en 2018 à 2 227 Dhs en 2022, indiquant une amélioration de l’accès aux soins par personne.
  3. Sources de financement :
    • La part des ménages a diminué de 45,6 % à 38 %, signe d’une réduction de la dépendance aux paiements directs et d’une meilleure protection financière.
    • La contribution de l’État a augmenté de 24 % à 30,3 %, reflétant un engagement accru du gouvernement dans le financement de la santé.
    • L’assurance maladie a vu sa part passer de 29,3 % à 31 %, grâce à des réformes comme l’extension de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO).
    • Les autres sources (coopération internationale, entreprises publiques) ont légèrement diminué, passant de 1,1 % à 0,7 %.
  4. Répartition des dépenses par type de prestataires :
    • Les établissements publics de santé ont gagné en importance, passant de 22 % à 26,8 %, ce qui montre un renforcement du secteur public.
    • Les pharmacies et fournisseurs de biens médicaux ont légèrement augmenté (23,4 % à 25,9 %), soulignant une demande croissante pour les médicaments.
    • Les cliniques privées ont perdu du poids (18,9 % à 15,8 %), tandis que les cabinets privés ont légèrement progressé (15,3 % à 16,6 %).
    • La part des laboratoires et centres de radiologie a diminué de 12 % à 8,6 %, peut-être en raison d’une optimisation des diagnostics.
  5. Répartition des dépenses par type de prestations :
    • Les soins hospitaliers restent stables, passant de 30 % à 30,9 %, indiquant une continuité dans la priorité accordée à ce secteur.
    • Les soins ambulatoires ont diminué de 28,7 % à 25,8 %, possiblement en raison d’un transfert vers d’autres types de soins.
    • Les médicaments et biens médicaux ont augmenté de 23,4 % à 26,7 %, confirmant leur rôle croissant dans les dépenses de santé.
    • Les analyses et radiologie ont baissé de 11,7 % à 8,6 %, suggérant une rationalisation de ces services.

Conclusion

Les CNS 2022 révèlent une amélioration significative du financement de la santé au Maroc, avec une hausse des DTS et une réduction de la part des ménages (38 % contre 45,6 % en 2018). L’assurance maladie (31 %) et l’État (30,3 %) jouent un rôle accru, renforçant la protection financière. Cependant, des défis subsistent, notamment la fragmentation de l’assurance maladie et l’accès aux soins publics. La généralisation de l’AMO et la refonte du système de santé sont essentielles pour atteindre la CSU et réduire davantage les paiements directs des ménages. L’institutionnalisation des CNS reste cruciale pour guider les politiques de santé.

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