Dahir n° 1‑21‑30 du 9 chaabane 1442 (23 mars 2021) portant promulgation de la loi‑cadre n° 09‑21 relative à la protection sociale.
LOUANGE A DIEU SEUL !
(Grand Sceau de Sa Majesté Mohammed VI)
Que l’on sache par les présentes – puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur !
Que Notre Majesté Chérifienne,
Vu la Constitution, notamment ses articles 42 et 50,
A DÉCIDÉ CE QUI SUIT :
Est promulguée et sera publiée au Bulletin officiel, à la suite du présent dahir, la loi-cadre n° 09-21 relative à la protection sociale, telle qu’adoptée par la Chambre des conseillers et la Chambre des représentants.
Fait à Fès, le 9 chaabane 1442 (23 mars 2021).
Pour contreseing :
Le Chef du gouvernement, SAAD DINE EL OTMANI.
Préambule
La concrétisation de la protection sociale est un point d’accès fondamental et indispensable pour la promotion de l’élément humain qui est un maillon essentiel du développement, et pour l’édification d’une société où règne la justice sociale et spatiale à laquelle Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, aspire depuis son accession au trône de ses glorieux ancêtres.
Cette noble vision royale s’est matérialisée dans le lancement de plusieurs programmes sociaux, au premier rang desquels figurent l’Initiative nationale pour le développement humain, le Régime d’assistance médicale, le Programme de réduction des disparités territoriales et sociales, les programmes d’appui à la scolarisation des enfants, comme « le Programme TAYSSIR » et le Programme d’aides directes aux femmes veuves en situation de précarité (DAAM). Ces programmes, sous toutes leurs formes, ont permis de réduire les taux de pauvreté, de vulnérabilité et d’abandon scolaire et d’ouvrir l’accès d’une large catégorie de citoyennes et de citoyens aux services de base.
Afin de consolider ces acquis, il est devenu nécessaire d’intensifier les efforts afin de parachever la construction d’un système solide qui assure la protection sociale à de larges franges de la société et capable de réduire les risques économiques et sociaux, surtout pour les catégories les plus vulnérables, comme ceux liés aux répercussions de la pandémie de Covid-19.
Dans ce sens, cette loi-cadre vise la poursuite de la construction de ce système, pour lequel les jalons ont été posés par Sa Majesté le Roi, que Dieu L’assiste, dans son discours à l’occasion de l’ouverture de la session législative du 9 octobre 2020, et dont Sa Majesté a fixé les piliers à savoir :
Premièrement : L’élargissement de la couverture médicale obligatoire d’ici fin 2022, pour que 22 millions de bénéficiaires supplémentaires puissent accéder à l’assurance maladie obligatoire qui couvre les frais des soins, des médicaments et d’hospitalisation ;
Deuxièmement : La généralisation des allocations familiales dont bénéficieront près de sept millions d’enfants en âge de scolarisation ;
Troisièmement : L’élargissement de l’affiliation aux régimes de retraite, à travers l’intégration d’environ cinq millions de personnes actives qui ne disposent actuellement d’aucune couverture liée à la retraite ;
Quatrièmement : La généralisation de l’indemnité pour perte d’emploi pour les personnes ayant un emploi stable.
En se basant sur ces directives Royales, cette loi-cadre définit les dispositions, les principes, les orientations et les mécanismes encadrant l’intervention de l’Etat dans ce domaine et ce, afin d’atteindre les objectifs fixés et permettre ainsi de réduire la pauvreté, de lutter contre la vulnérabilité, de soutenir le pouvoir d’achat des familles, de concrétiser la justice sociale et de promouvoir le capital humain.
Dans ce cadre, les dispositions de l’article 31 de la Constitution qui ont instauré le droit à la protection sociale et à la couverture médicale ont été prises en considération. Il a été également tenu compte des engagements internationaux du Royaume du Maroc dans le domaine de la protection sociale, en particulier, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la Convention n° 102 sur les normes minimales de sécurité sociale, publiée par l’Organisation internationale du Travail et de la recommandation n° 202 sur les socles nationaux de protection sociale adoptée par cette organisation, ainsi que du plan des Nations-Unies pour atteindre les objectifs de développement durable, dont l’un des principaux objectifs est l’élargissement de la protection sociale.
Dans ce contexte, les engagements des pouvoirs publics consistent en les missions d’assurer la coordination des interventions de toutes les parties prenantes concernées par la généralisation de la protection sociale, en tant que priorité nationale, de veiller au développement des aspects liés à la gestion et à la gouvernance des organismes de sécurité sociale, de garantir la convergence des régimes de protection sociale et de prendre toutes les mesures d’ordre législatif, réglementaire, institutionnel et financier qui permettraient la mise en œuvre de la généralisation de cette protection. Cela, tout en tenant compte du principe de l’équilibre financier de ces régimes, qui impose de garantir l’équilibre structurel entre les ressources et les cotisations d’une part, et les dépenses et les prestations rendues d’autre part.
Cette réforme sera déployée dans un délai de cinq ans, selon le calendrier suivant :
- la généralisation de l’assurance maladie obligatoire de base en 2021 et 2022 ;
- la généralisation des allocations familiales en permettant aux familles qui ne bénéficient pas de telles allocations conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur, de bénéficier, selon le cas, d’indemnités de protection contre les risques liés à l’enfance ou d’allocations forfaitaires et ce, au cours des années 2023 et 2024 ;
- l’élargissement de l’affiliation aux régimes de retraite et la généralisation du bénéfice des indemnités de perte d’emploi en 2025.
Compte tenu de ce qui précède, l’insertion des principes et des objectifs fondamentaux de la réforme du système de protection sociale dans une loi-cadre est de nature à garantir une application optimale et une mise en œuvre saine de ladite réforme et à assurer sa continuité et sa pérennité, sachant que la généralisation de la protection sociale, au sens de la présente loi-cadre, qui doit intervenir dans un délai maximum de cinq ans, ne fait pas obstacle à la poursuite de l’exécution des autres politiques publiques arrêtées par l’Etat dans ce domaine.
Chapitre premier: Dispositions générales.
Article premier;
En application des dispositions des articles 31 et 71 de la Constitution, la présente loi-cadre fixe les objectifs fondamentaux de l’action de l’Etat dans le domaine de la protection sociale, tels que définis à l’article 2 ci-après, ainsi que les principes de base et les mécanismes nécessaires pour atteindre ces objectifs, notamment en matière de gouvernance et de financement.
Article 2;
La protection sociale, au sens de la présente loi-cadre, comprend :
- la protection contre les risques de maladie ;
- la protection contre les risques liés à l’enfance et l’octroi d’allocations forfaitaires aux familles non couvertes par cette protection ;
- la protection contre les risques liés au vieillissement ;
- la protection contre le risque de perte d’emploi.
Article 3;
La généralisation de la protection sociale repose sur les principes suivants :
Le principe de solidarité dans ses dimensions sociale, territoriale, intergénérationnelle et interprofessionnelle, qui requiert une synergie des efforts de tous les inervenants dans ce domaine ;
Le principe de non-discrimination dans l’accès aux prestations de la protection sociale ;
Le principe d’anticipation qui repose sur une évaluation périodique de l’impact des interventions des acteurs concernés par la protection sociale, en vue d’adopter les meilleurs moyens pour la valorisation des résultats obtenus ;
Le principe de participation à travers l’implication de tous les intervenants dans les politiques, les stratégies et les programmes relatifs à la protection sociale.
Article 4;
- la généralisation de l’assurance maladie obligatoire de base ;
- l’élargissement de l’affiliation aux régimes de retraite pour inclure les personnes qui exercent une activité et ne bénéficient d’aucune pension ;
- La généralisation du bénéfice de l’indemnité pour perte d’emploi pour inclure toute personne ayant un emploi stable ;
- La généralisation des allocations familiales en permettant aux familles qui ne touchent pas de telles allocations, conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur, de bénéficier :
- d’allocations de protection contre les risques liés à l’enfance, notamment l’abandon scolaire, en ce qui concerne les familles ayant des enfants de moins de 21 ans ;
- d’allocations forfaitaires pour les familles sans enfants ou dont les enfants sont âgés de plus de 21 ans, à condition de ne pas bénéficier d’allocations de protection contre les risques liés à l’enfance. Ces allocations sont principalement destinées à appuyer le pouvoir d’achat de ces familles et à réduire la vulnérabilité.
Article 5;
L’assurance maladie obligatoire de base est généralisée à travers :
- L’élargissement de cette assurance pour inclure les catégories nécessiteuses bénéficiant du Régime d’Assistance Médicale ;
- Le déploiement total de l’assurance maladie obligatoire de base concernant les catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non salariées exerçant une activité libérale, pour inclure toutes les catégories concernées et adopter les mécanismes nécessaires à cet effet, notamment la simplification des procédures de paiement et de recouvrement des cotisations relatives à cette assurance.
Afin d’atteindre l’objectif de généralisation de l’assurance maladie obligatoire de base, les pouvoirs publics s’engagent à réformer et à mettre à niveau le système national de santé.
Article 6;
La base des adhérents dans les régimes de retraite est élargie aux personnes qui travaillent et ne bénéficient d’aucune pension, à travers le déploiement total du régime de retraite pour les catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non salariées exerçant une activité libérale, afin d’inclure toutes les catégories concernées et l’adoption des mécanismes nécessaires à cet effet, notamment la simplification des procédures de paiement et de recouvrement des cotisations liées à ce régime.
Article 7;
Le bénéfice de l’indemnité pour perte d’emploi est généralisé à toute personne ayant un emploi stable, à travers la simplification des conditions pour en bénéficier et l’élargissement de la population cible.
Article 8;
Les allocations familiales sont généralisées par l’instauration des allocations relatives à la protection contre les risques liés à l’enfance et les allocations forfaitaires prévues à l’article 4 ci-dessus, à travers notamment :
- La réforme des programmes d’appui, en vigueur, destiné aux familles pour la protection contre les risques liés à l’enfance afin de les regrouper et les généraliser, tout en mettant en place des critères précis pour en bénéficier ;
- La réforme progressive du système de compensation dans le but d’affecter les marges résultant de la levée progressive des subventions pour financer lesdites allocations ;
- L’adoption du Registre social unifié comme outil pour parvenir à un ciblage plus efficace des catégories sociales qui méritent l’appui.
Article 9;
Afin d’atteindre l’objectif visé à l’article 4 ci-dessus, les pouvoirs publics doivent veiller à la coordination de l’action de tous les intervenants concernés par la généralisation de la protection sociale, au développement des aspects concernant la gestion ainsi que ceux relatifs à la gouvernance des organismes de sécurité sociale, et à la prise de toutes les mesures à caractères législatif, institutionnel et financier permettant la mise en œuvre de la généralisation de la protection sociale.
Article 10;
La généralisation de la protection sociale est une priorité nationale et une responsabilité conjointe de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements et entreprises publics, du secteur privé, de la société civile, des divers autres organismes publics et privés et des citoyens.
A cet effet et outre les mesures et actions que les pouvoirs publics doivent prendre conformément aux dispositions de l’article 9 ci-dessus, les autres parties mentionnées à l’alinéa précédent doivent contribuer, chacune en ce qui la concerne, à la réalisation de l’objectif de la généralisation de la protection sociale.
Chapitre II : Mécanismes de financement.
Article 11;
La généralisation de la protection sociale repose sur deux mécanismes de financement :
- Un mécanisme basé sur la cotisation pour les personnes capables de contribuer au financement de cette protection sociale ;
- Un mécanisme basé sur la solidarité pour les personnes incapables de supporter le paiement des cotisations.
Article 12;
Le mécanisme de cotisation, prévu au (a) de l’article 11 ci-dessus, repose sur le paiement préalable des montants de cotisation par les assurés ou par des tiers à leur profit.
La protection sociale est financée dans le cadre de ce mécanisme par :
- Les cotisations dues en application des textes législatifs et réglementaires en vigueur ;
- Les droits complémentaires imposés par l’Etat à certaines catégories professionnelles, dans le cadre du régime de la contribution professionnelle unique (CPU), afin de payer les cotisations sociales.
Article 13;
Le mécanisme de solidarité, prévu au (b) de l’article 11 ci- dessus, ouvre droit au bénéfice des prestations de protection sociale liées à l’assurance maladie obligatoire de base et aux allocations destinées à la protection contre les risques liés à l’enfance ou aux allocations forfaitaires. Ce mécanisme repose sur le versement préalable des cotisations par l’Etat au profit des personnes concernées et ce, à travers les ressources suivantes :
- les dotations issues du budget de l’Etat ;
- Les recettes fiscales affectées au financement de la protection sociale ;
- Les ressources issues de la réforme du système de compensation ;
- Les dons et legs ;
- Toutes autres ressources pouvant être allouées en vertu de textes législatifs ou réglementaires particuliers.
Article 14;
Les opérations comptables relatives à l’appui de l’Etat à la protection sociale, prévu à l’article 13 ci-dessus, sont portées sur le compte d’affectation spéciale créé à cet effet.
Chapitre III : Mécanismes de gouvernance.
Article 15;
Les pouvoirs publics veillent à la prise des mesures nécessaires pour établir un cadre de gouvernance garantissant la convergence des différents régimes de protection sociale, notamment par l’instauration d’un organisme unifié de gestion de ces régimes.
Article 16;
Afin d’assurer la complémentarité et la cohérence des mesures prises pour réformer la protection sociale, le gouvernement veille à la création d’un mécanisme de pilotage qui assurera notamment le suivi de la mise en œuvre de cette réforme et la coordination des interventions des différentes parties concernées.
Chapitre IV : Dispositions finales.
Article 17;
Les pouvoirs publics prennent les mesures nécessaires pour généraliser la protection sociale conformément aux dispositions de la présente loi-cadre dans un délai de cinq ans, selon le calendrier suivant :
- La généralisation de l’assurance maladie obligatoire de base au cours des années 2021 et 2022 ;
- La généralisation des allocations familiales au cours des années 2023 et 2024 ;
- L’élargissement de l’affiliation aux régimes de retraite et la généralisation du bénéfice des indemnités pour perte d’emploi en 2025.
Article 18;
Les pouvoirs publics œuvrent à la révision des textes législatifs et réglementaires relatifs à la protection sociale et au système national de santé, sous réserve du calendrier prévu à l’article 17 ci-dessus.
Article 19;
Les dispositions de la présente loi-cadre seront mises en œuvre à travers les textes législatifs et réglementaires pris pour son application.
Le texte en langue arabe a été publié dans l’édition générale du « Bulletin officiel » n° 6975 du 22 chaabane 1442 (5 avril 2021).
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