Les comptes nationaux de la santé 2018

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INTRODUCTION aux comptes nationaux de la santé

Les Comptes Nationaux de la Santé (CNS) fournissent des données essentielles sur les dépenses de santé et leur utilisation. Ils permettent d’évaluer le système de financement de la santé et d’identifier les interventions les plus efficaces pour améliorer la santé de la population. Le Maroc a élaboré la 6ème édition des CNS pour l’année 2018, conformément à la méthodologie de l’OMS, afin de se conformer aux normes internationales.

En 2018, les dépenses totales de santé au Maroc ont atteint environ 60,9 milliards de dirhams, en hausse de 17,1% par rapport à 2013, avec une augmentation moyenne annuelle de 3,2%. La dépense courante de santé représentait 97% de cette somme, soit 59,1 milliards de dirhams, tandis que les dépenses liées à l’investissement représentaient 3% de la dépense totale de santé.

La dépense de santé par habitant s’est élevée à 1730 dirhams (environ 184 dollars américains au taux de change courant en 2018 ou 489 dollars en termes de Parité du Pouvoir d’Achat). Cela représente une augmentation de 152 dirhams en 5 ans, soit une variation relative de 9,6%, indiquant une amélioration positive du financement de la santé par les différents contributeurs.

Les ménages demeurent le principal financeur de la santé au Maroc, contribuant à hauteur de 45,6%, bien que cette part ait diminué de 5,1 points par rapport à 2013. L’assurance maladie a couvert 40,6% de la population en 2018, mobilisant environ 17,9 milliards de dirhams, soit 29,3% de la dépense totale de santé.

L’État a alloué environ 24% du financement de la santé, ce qui est resté relativement constant entre 2013 et 2018. Le financement collectif et solidaire a augmenté de 6,5 points, atteignant 53,3% en 2018, indiquant une tendance positive vers une protection financière de la population vulnérable.

Les partenaires nationaux et internationaux ont contribué à hauteur de 0,2% au financement de la santé en 2018, avec un appui qualitatif plutôt que quantitatif.

Les dépenses de santé ont principalement été consacrées aux soins hospitaliers, représentant près de 30% de la dépense courante de santé. Les soins ambulatoires (curatifs et préventifs) et l’achat de médicaments ont respectivement représenté 28,7% et 23,4% de la dépense courante de santé. Les analyses et la radiologie ont bénéficié de 11,7% de cette dépense.

En résumé, les CNS de 2018 montrent une amélioration positive du financement de la santé au Maroc, avec une baisse des paiements directs des ménages et une augmentation de la couverture par l’assurance maladie et le financement collectif et solidaire.

FINANCEMENT DE LA SANTÉ PAR LES MÉNAGES

L’une des trois dimensions essentielles de la Couverture Sanitaire Universelle est d’assurer une protection financière à l’ensemble de la population lors de l’accès aux services de santé. Cela vise à développer des stratégies de financement de la santé pour alléger le fardeau économique des ménages. L’objectif est de réduire le risque d’appauvrissement causé par les dépenses de santé en renforçant le financement solidaire. Le financement solidaire permet de partager le risque financier lié aux problèmes de santé entre les différents niveaux de revenus, favorisant ainsi l’équité.

Les dépenses de santé des ménages incluent les paiements directs qu’ils effectuent lorsqu’ils utilisent des services de santé, tels que les frais de consultations médicales, les médicaments et les frais des prestataires de soins. Ces paiements directs n’incluent pas les remboursements d’assurance. L’accès aux biens et services de santé nécessaires est influencé par l’offre et la demande, et cela varie selon le niveau de revenu des ménages.

L’évaluation des systèmes de santé dans le monde se fait en fonction de leur capacité à protéger financièrement leur population en réduisant les dépenses directes à des taux relativement faibles. Pour mesurer les progrès vers la Couverture Sanitaire Universelle, des taux cibles ont été fixés par des organisations internationales telles que l’OMS et la Banque Mondiale, avec 25% du revenu disponible des ménages (DTS) comme objectif. Au Maroc, les plans stratégiques nationaux fixent également ce taux de 25% de la DTS comme indicateur d’évaluation de la protection financière et du succès des stratégies de santé.

  1. PARTICIPATION DES MENAGES AU FINANCEMENT DE LA SANTE :

  • En 2018, les dépenses directes des ménages pour la santé étaient estimées à 27,8 milliards de Dhs, représentant 45,6% des dépenses totales en santé.
  • En ajoutant les cotisations des ménages à l’assurance maladie (14.3%), la part des dépenses des ménages passe à 59,7% du revenu disponible des ménages (DTS).
  • La part des dépenses des ménages dans les dépenses totales de santé a diminué de 64,7% en 2006 à 59,7% en 2018, principalement en raison de la baisse des paiements directs des ménages.
  • Les cotisations salariales ont presque doublé entre 2006 et 2018, passant de 7,4% à 14,1%, en raison de l’extension de la couverture médicale pour plus d’inclusion.
  • La protection financière apportée par la couverture médicale réduit considérablement les paiements directs des ménages.
  1. DEPENSES DES MENAGES PAR TYPE DE PRESTATAIRES :

  • Plus de 90% des dépenses des ménages sont orientées vers le secteur privé.
  • Les officines et fournisseurs de biens médicaux représentent 34% des dépenses directes des ménages, suivis par les cabinets privés (39,5%), les cliniques privées (22,8%) et les laboratoires/centres de radiologie (16,7%).
  • Les structures de soins publiques ne recouvrent que 6,9% des dépenses directes des ménages, tandis que les prestataires de soins traditionnels en bénéficient de 1,7%.
  1. DEPENSES DES MENAGES PAR TYPE DE PRESTATIONS :

  • Les médicaments et biens médicaux (34%) ainsi que les soins ambulatoires (21,5%) sont les principales prestations consommées par les ménages.
  • Les dépenses en médicaments et biens médicaux ont diminué de 14,6 points entre 2006 et 2018, principalement en raison de l’extension de l’AMO et des politiques pour rendre les médicaments plus accessibles.
  • Les dépenses liées aux hospitalisations ont augmenté de 10 points, passant de 9,8% en 2006 à 19,6% en 2018.
  • Les dépenses directes des ménages pour les consultations médicales en ambulatoire ont augmenté de 15,3% à 21,5% entre 2006 et 2018.
  • Le secteur privé capte plus de 90% des dépenses des ménages pour les différentes prestations, tandis que le secteur public en bénéficie seulement de 6,9%.

Ces chiffres soulignent l’importance de développer des stratégies pour réduire l’apport financier des ménages dans le système de santé, en particulier en ciblant le secteur privé et en améliorant la couverture médicale pour une meilleure protection financière.

FINANCEMENT DE LA SANTÉ PAR L’AMO

  1. La Couverture Médicale de Base (CMB) au Maroc a progressé vers la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) depuis l’adoption de la loi 65-00 en 2002 et la mise en vigueur de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) en 2005, couvrant les fonctionnaires du secteur public et les employés du secteur privé.
  2. Le taux de couverture médicale de la population est passé de 16% en 2005 à 64% en 2018, grâce à l’AMO, la généralisation du RAMED en 2012 et l’AMO pour les étudiants en 2016.
  3. La population couverte par l’assurance maladie était de 14,3 millions de bénéficiaires en 2018, représentant 40,6% de la population totale.
  4. Les ressources de l’assurance maladie proviennent principalement des cotisations salariales (43%) et des cotisations patronales (33,2%).
  5. Les dépenses de l’assurance maladie ont augmenté de 29,3% de la dépense totale de santé en 2013 à 17,9 milliards de dirhams en 2018.
  6. Les soins hospitaliers constituent le premier poste de dépense (34,2%), suivis des médicaments et biens médicaux (32,5%).
  7. Les cliniques privées ont reçu la majorité des paiements directs des organismes d’assurance maladie dans le cadre du tiers payant (58%), tandis que les hôpitaux publics ont reçu seulement 8,4%.
  8. Les médicaments restent le premier poste de dépenses de l’assurance maladie en termes de remboursements aux assurés (34,6%), suivis des analyses et examens radiologiques (20,8%).

Ces chiffres montrent que la CMB a fait des progrès significatifs vers la CSU, mais des défis subsistent, notamment la fragmentation du système d’assurance maladie et la nécessité d’améliorer l’accès aux soins dans les hôpitaux publics.

FINANCEMENT DE LA SANTÉ PAR Le ministère de la santé

  1. Le Ministère de la Santé au Maroc est le troisième financeur de la santé après les ménages et l’assurance maladie, représentant 21,4% du financement en 2018. Cela est dû à l’augmentation du budget du Ministère, reflétant la volonté de l’État d’investir davantage dans le secteur de la santé, qui reste le principal prestataire de soins au pays.
  2. Le budget du Ministère de la Santé a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, passant de 6,1 milliards de dirhams en 2006 à 14,8 milliards de dirhams en 2018, soit une hausse de 143%. Cependant, il reste insuffisant par rapport aux normes internationales.
  3. Les principales sources de financement des dépenses du Ministère de la Santé en 2018 étaient le budget de l’État (80,8%) suivi des paiements des ménages pour les soins dans les établissements de santé publics (11,9%).
  4. La majorité des dépenses du Ministère de la Santé sont consacrées aux soins curatifs hospitaliers (42,1%) et aux soins curatifs ambulatoires (28,5%).
  5. Les dépenses du Ministère de la Santé par région montrent une répartition relativement équitable en 2018, avec une amélioration par rapport à 2013.
  6. Le régime d’assistance médicale (RAMED) est la deuxième composante de la couverture médicale de base au Maroc. En 2018, il bénéficiait à environ 12,8 millions de personnes économiquement démunies.
  7. Le financement du RAMED repose principalement sur le budget de l’état (90,7%) et les Collectivités Territoriales (8,6%), mais des défis subsistent pour assurer un financement pérenne face à la demande croissante de soins. Une refonte du système de santé et de la gouvernance du RAMED est nécessaire pour répondre efficacement aux besoins de la population couverte.

FINANCEMENT DE LA SANTÉ PAR LES AUTRES PARTENAIRES NATIONAUX ET PAR LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

  1. CONTRIBUTION DES AUTRES MINISTERES AU FINANCEMENT DE LA SANTE :

    • Les autres Ministères, en dehors du Ministère de la Santé, participent au financement de la santé au Maroc.
    • En 2018, ces Ministères ont contribué à hauteur de 598 millions de Dhs, soit environ 1% de la dépense totale en santé.
    • La principale source de financement des activités sanitaires des autres Ministères est leur budget (85,1%), suivi des contributions des ménages (9,3%) et des entreprises privées (5,6%).
    • La prévention sanitaire collective (51,6%) est la dépense principale des autres Ministères, suivie des charges de l’administration (25,1%) et des dépenses liées à la médecine pénitentiaire (20,9%).
  1. CONTRIBUTION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES AU FINANCEMENT DE LA SANTE :

    • Les collectivités territoriales jouent un rôle de plus en plus important dans le renforcement de l’accès aux soins de santé.
    • En 2018, les CT ont contribué au financement de la santé par un montant de 954,2 millions de Dhs (1,6% de la dépense totale en santé).
    • Les CT contribuent au financement du RAMED en versant annuellement 40 dirhams par personne éligible de catégorie “pauvre absolu” au Compte d’Affectation Spécial de la Pharmacie Centrale.
  1. CONTRIBUTION DE L’INDH AU FINANCEMENT DE LA SANTE :

    • L’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) intervient dans la promotion de la santé par des actions de proximité en collaboration avec le Ministère de la Santé.
    • En 2018, l’INDH a mobilisé une enveloppe budgétaire de 29,5 millions de Dhs pour des projets de renforcement et de mise à niveau de l’infrastructure sanitaire, l’acquisition d’équipements médicaux et le renforcement de la santé mobile.
  1. CONTRIBUTION DE LA FONDATION LALLA SALMA DE PREVENTION ET TRAITEMENT DES CANCERS AU FINANCEMENT DE LA SANTE :

    • La Fondation Lalla Salma de prévention et de traitement des Cancers (FLS) joue un rôle essentiel dans la prise en charge et le traitement du cancer au Maroc.
    • En 2018, la FLS a mobilisé une enveloppe budgétaire de 250 millions de Dhs pour l’achat de médicaments anticancéreux, les travaux d’aménagement et de construction des centres d’oncologie, l’acquisition d’équipements médicaux et le renforcement des programmes et actions.
  1. CONTRIBUTION DE LA FONDATION MOHAMMED V POUR LA SOLIDARITE AU FINANCEMENT DE LA SANTE :

    • La Fondation Mohammed V pour la solidarité soutient le secteur de la santé à travers des projets de renforcement de l’offre de soins.
    • En 2018, la Fondation a ouvert trois centres d’addictologie et un centre médicopsycho social, en plus d’organiser des campagnes médicales.
  1. CONTRIBUTION DE LA COOPERATION INTERNATIONALE AU FINANCEMENT DE LA SANTE :

    • Les partenaires techniques et financiers (PTF) jouent un rôle capital dans l’accompagnement du Ministère de la Santé.
    • En 2018, les appuis directs mobilisés par les PTF représentaient environ 0,2% de la dépense totale en santé.
    • Le Fonds Mondial et l’UE étaient les principaux contributeurs parmi les partenaires multilatéraux, tandis que la Chine, l’AFD et le Fond Qatari étaient les principaux contributeurs parmi les partenaires bilatéraux.

CONCLUSION

L’analyse des Comptes Nationaux de la Santé de 2018 met en lumière plusieurs éléments clés relatifs au financement de la santé au Maroc. Bien que d’importantes avancées aient été réalisées, notamment en ce qui concerne la baisse des paiements directs des ménages et l’augmentation de la couverture par l’assurance maladie et le financement collectif et solidaire, des défis persistent. La contribution majeure des ménages au financement souligne l’urgence de développer des mécanismes permettant de réduire leur fardeau financier, tout en assurant un accès équitable aux services de santé de qualité.

La Couverture Médicale de Base, malgré ses avancées, doit encore être renforcée et étendue pour atteindre une véritable Couverture Sanitaire Universelle. Enfin, l’augmentation du budget du Ministère de la Santé est une indication positive de l’engagement de l’État envers la santé, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour répondre aux besoins croissants de la population. Il est donc impératif de continuer à investir dans la santé, de promouvoir l’équité, et de renforcer les mécanismes de financement solidaire pour garantir un système de santé durable et inclusif au Maroc.

Télécharger le résumé des comptes nationaux de santé élaboré par M. Qarbach Oussama
Les comptes nationaux de la santé 2018 - Document du ministère de la santé et de la protection sociale

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